Petite forge de village, ce lieu était occupé par le forgeron dont le métier était de façonner le fer. Il réalise des outils pour l’agriculture, des outils tranchants selon les besoins des habitants et les habitudes du terroir, des serrures, chaînages, grilles, balustrades et mêmes les croix des tombes au cimetière. Il est également maréchal-ferrant pour les chevaux, les bœufs et les vaches de travail. A l’arrière de la forge se trouve d’ailleurs une structure en bois, que l’on appelle le « travail ». Elle sert à maintenir l’animal pendant le ferrage. Au Vigan, il y avait deux forges. Celle-ci est restée en activité jusqu’aux années 50 ; certains habitants s’en souviennent encore.
Derrière la maison, un mur borde le chemin des Vergènes. Il est recouvert de vieilles pierres sculptées de forme hémisphérique, ce sont des pierres ‘dos d’âne’. Elles protègent de l’eau et des intempéries.
Avancez maintenant le long du jardin, et dirigez-vous vers le Lavoir, que l’on aperçoit au loin, avec ses colonnes et son toit en ardoises.
Nous voici au Lavoir des Vergènes. Dans chaque village, il est un lieu de grande sociabilité : c’est ici que se font ou se défont les réputations des familles. Les lavandières apportent leur linge sale dans une brouette. Elles s’agenouillent sur un vieux sac, été comme hiver. Puis, tout en frappant et savonnant le linge, elles discutent, cancanent, et se racontent les dernières nouvelles.
Une fois par an, on tond les moutons, et alors elles viennent y laver la laine. Ce travail est pénible et éreintant : la laine des moutons est pleine de suif, la graisse des animaux. Il faut alors la laver à plusieurs reprises, mais elle devient très lourde avec l’eau. Une fois lavée, elle est cardée, c’est-à-dire peignée et démêlée. L’étape suivante est le filage à l’aide d’un rouet. Enfin, quand tout ce travail est terminé, on obtient des pelotes de laine du pays qui servent à la confection de matelas et d’ouvrages de tricot. On se retrouve l’hiver à la veillée, au coin du feu, en mangeant des châtaignes. Ce sont des moments de convivialité, où l’on est heureux d’être ensemble.
Revenons sur nos pas et prenons à gauche ; arrêtons-nous juste avant le café. C’est là que se trouve l’ancienne bascule du village.
L’ancienne bascule du bourg date probablement du Second Empire. Le Second Empire est la période, en France, pendant laquelle Napoléon III règne en tant qu'empereur, de 1852 à 1870. Témoin de l’activité économique du village, la bascule recèle un mécanisme qui sert à peser des animaux vivants, mais également de la paille ou du foin, pour ensuite les vendre à un prix calculé en fonction de leur poids.
La pesée se fait le plus souvent lors des foires, qui sont très importantes. Au 19e s, Gourdon, la ville voisine est un épicentre du commerce de cerneaux de noix et surtout, de la truffe. Les gendarmes essaient de déceler les fraudes lors de la vente de truffes. En effet, afin de leur donner plus de poids, les petits malins les garnissent de grains de plomb ou de terre. Malheureusement, le marché des truffes disparait à la fin de la guerre de 14-18 car beaucoup de trufficulteurs gourdonnais n’en reviennent pas.
Plus récemment, la plupart des bascules de village ont servi à mesurer la tare des véhicules routiers de transport. Leur utilisation est devenue désuète à la fin du 20e siècle.
Traversons la grande rue et descendons à gauche, vers ce qui fut la rue principale du village, et l’ancien quartier de l’hôpital.
Nous sommes dans l’ancienne rue principale du Vigan, qui relie Gourdon à Rocamadour.
A l’époque, l’hôpital Notre-Dame-de-la-Pitié a une toute autre signification qu’aujourd’hui. C’est un asile où l’on accueille les voyageurs, les malades, et les pèlerins de Compostelle. Il semble avoir été composé de deux ou trois masures. Les chambres sont pauvrement dotées de grabas (mauvais lits, ou paillasses), d’un broc d’eau et d’une miche de pain. Contrairement à Gourdon, l’on n’y dispose même pas de couvertures, l’accueil y est rudimentaire.
Les visiteurs sont notamment des pèlerins de Rocamadour qui y passent quelques jours. Également des malades, qui s’y reposent, mais n’y sont pas soignés. Mais aussi des chefs de bandes français et anglais qui se retrouvent au Vigan pour discuter des rançons qu’ils peuvent tirer de leurs prisonniers.
D'après un plan de la ville du Vigan datant du 18e siècle, un chemin reliait la chapelle de l'hôpital au "fort" et à la fontaine de « Las Vergenas », autrement dit Les Vergènes. On peut apercevoir ce chemin de l’autre côté de la route nationale, qui remonte vers le coteau. Probablement au 9e ou 10e s,
un paysan aurait retrouvé un bloc de statue de l’époque Romaine, représentant une matrone avec ses deux filles. Les paysans ont pensé que c’était la Vierge avec des anges autour. Ce vestige antique est devenu une relique pour les Viganais, « Las Vergenas » signifiant les vierges. Elle a depuis disparu au cours des temps.
Avançons vers la chapelle Sainte-Rondine, sur notre gauche, qui fut construite sur l'emplacement de l'ancienne chapelle "Notre Dame de L’Hospital ».
La chapelle Sainte-Rondine, est un oratoire, consacré à la prière, bâtie sur l'emplacement de l'ancienne chapelle "Notre-Dame de l'Hospital".
En 1683, il ne subsiste plus rien de l'ancien hôpital sauf la chapelle. Elle porte la date de 1657 sur le linteau de sa porte. Le chanoine Albe et Ludovic Valon nomment cette chapelle Sainte-Rodine, dans laquelle le premier a vu une sainte originaire du Berry : Rodène. Le second signale l'existence d'un pèlerinage local au mois de septembre. A l’intérieur, on peut y admirer la statue de Sainte Rondine ainsi qu’un magnifique retable très original datant tous les deux du 17e siècle.
Les Viganais conduisaient autrefois dans cette chapelle les enfants grognons et malingres : "roundinar" en occitan signifie grommeler, ronchonner, ou encore grogner.
Le manoir de la Barrière, aujourd’hui maison d’hôtes, date du 18e s. La partie la plus historique est la tour, surement plus ancienne. Dans l'ouvrage "Châteaux, manoirs et logis" de Catherine Didot, on trouve, accompagnant la photo du manoir, le commentaire de Jean Lartigaut: « Cette belle demeure d'aspect rural, qui aligne ses différents logis le long d'une rue du Vigan, fut habitée, du 17e au 18e siècle, par une famille bourgeoise, les Valet. Par alliance, arrive ensuite dans les lieux une famille de robe originaire du Rouergue, mais installée en Quercy depuis le 16e siècle, les Glandin. Cette maison fournit aussi trois officiers du Roi. Sans acquérir de titres de noblesse, elle n'en intègre pas moins celle-ci par ses fréquentations et ses alliances. A la veille de la Révolution, I'un de ses membres achètera une petite seigneurie du Gourdonnais, Pech-Rigal. La façade Ouest du logis conserve une haute tour pigeonnier carrée. Le bâtiment est classé monument historique depuis 1979 ».
Le Dr Vieussens est l'un des plus grands anatomistes français, né au Vigan en 1641 et mort en 1715. Il devient docteur en 1670. Moins d'un an après son doctorat, il est nommé médecin de l'hôpital Saint-Eloi, le plus important de Montpellier. En avril 1679, Vieussens en est le médecin-chef. Il est avant tout un chercheur. Il aura douze enfants qui, tous, feront de belles carrières. En 1691, il devient le médecin de Mademoiselle de Montpensier, la célèbre héroïne de la Fronde. Le Quercynois occupe cette fonction jusqu’à la mort de la princesse en 1693. Durant cette période, il est nommé médecin du Roi.
L'œuvre de Vieussens est très abondante. Son premier livre, un chef-d’œuvre, porte un titre verbeux selon l'usage de l'époque : « Monographie universelle du système nerveux où se trouve la description anatomique de tous les nerfs du corps humain, aussi bien ceux du cerveau que ceux de la moelle épinière, rédigée avec soin et intégrité, ornée d'une riche iconographie et accompagnée d'explications sur leur fonctionnement tirées de la pratique et des expériences. » Cet ouvrage de 252 pages connaît au moins sept rééditions.
Ici, si l’on se place en face de la boulangerie et de la boucherie qui donnent sur la rue principale du village, nous pouvons lever les yeux et admirer cette superbe latrine du Moyen-Age qui surplombe la rue. A l’époque, la rue est positionnée plus bas, et ici ne sont que des jardins. La boucherie actuelle se situe aujourd’hui, dans une ancienne porte que la population doit traverser pour se rendre dans l’enceinte du village.
Ce dernier est fortifié et bien plus petit que maintenant, constitué de quelques tours et tronçons de murailles autour de l’église. Si l’enceinte est prise, on se réfugie dans l’église, voire dans le haut-clocher qui contient quelques coffres abritant un peu de nourriture, et des armes. Situés autour de l’abbatiale, les remparts du fort protègent les villageois des invasions et attaques ennemies, notamment des ‘‘Anglais’’.
Ces fameux « Anglais » ne sont pas toujours anglais. Certains sont des Anglo-Gascons, français et mercenaires, qui combattent pour le Roi d’Angleterre durant la guerre de 100 ans de 1337 à 1453, et stationnent au Vigan pendant les longues périodes de trêve. Ce qui explique que l’on n’a pas trouvé beaucoup de traces d’interprètes de cette époque dans les actes officiels, car la plupart parlent Occitan. Les vrais Anglais sont si rares, que dans un document notarial de Périgueux, afin de compléter l’identité de l’un des témoins, on y peut lire la mention « Anglais d’Angleterre ». Par extension, la dénomination d’Anglais a ensuite désigné tous ceux qui n’étaient pas du pays.
Au Moyen-Age, le centre du village se trouve en hauteur. Comme dans tous les villages très anciens, on privilégie les lieux perchés pour des raisons de sécurité, car on peut voir arriver l’ennemi de loin. Cette colline, où nous nous apprêtons à aller s’appelle le Mont-Saint-Jean.
S’y trouve la plus vieille église du Vigan, l’église Saint-Jean des Carbonières. Son nom Carbonières rappelle l'ancien nom du Vigan qui est Carbonacum, à l’époque Gallo-Romaine. Cette église fonctionne encore en 1701, puis disparaît et est englobée, ainsi que le cimetière, dans la propriété privée du parc du château. On a trouvé beaucoup de sarcophages lors de la construction d’une maison voisine du château, attestant de la valeur historique de ces lieux.
La rue qui nous mène au sommet de cette colline, s’appelle la rue Saint-Jean. A l’époque révolutionnaire, comme elle est très pentue, on l’appelle la rue Bombe-Cul, en occitan, « Bombo-tsoul ». En effet, les femmes de l’époque portent de volumineuses robes, et doivent se pencher pour monter la côte. Vu d’en bas, le spectacle a dû inspirer certains malins et, depuis, le nom est resté.
Le château du Vigan a été construit vers 1860, pendant la période du Second Empire.
En 1807, il y a déjà, à cet emplacement une grosse ferme avec deux porcheries, qui appartient à M. Thière. Percepteur à vie de la commune, chargé de recueillir les impôts, il devient le maire du village. Ce lieu est ensuite la demeure des familles Thière et Glandin, Camy et Gozon.
Guillaume Glandin devient lui aussi, maire du Vigan en 1834. Il ne s’entend pas avec le curé qui veut établir un couvent en face de l’église. Cela va diviser la commune en deux clans.
Afin de rejoindre le presbytère et le couvent, descendons et traversons la route pour nous diriger vers la ruelle d’en face. Les anciens la nomment la Rue des Roumégous. Elle tient son nom du temps où elle était mal entretenue et bordée de petites ronces, les Roumégous. Elle nous conduira à un magnifique point de vue sur notre droite, d’où nous apercevrons les toits du village.
Le presbytère, avec ses deux tours et colonnades, abrite aujourd’hui plusieurs habitations. A l’origine, c’est un bâtiment où loge le curé. Il est souvent situé à proximité de l’église paroissiale.
‘‘Le couvent’’ à sa droite, orné de son portail et de ses multiples bâtiments, est actuellement une maison de famille. Plutôt qu’un couvent, on pense que ce fut une demeure abritant des sœurs, qui soignaient les gens et instruisaient les enfants. Les religieuses sont parties vers 1915. Il semble qu’elles se soient ensuite établies à l’ouvroir de Gourdon.
En 1834, la place du village est témoin d’une rivalité entre le maire du Vigan, Guillaume Glandin et le curé Jean-Baptiste Albouy, dit "Baptistou de Vers". En 1848, la population du Vigan se divise à nouveau en deux clans celui, majoritaire, du maire en place, un certain Fontanille, et celui, minoritaire, du nouveau maire, un certain Lauvel, ce dernier étant nommé par le nouveau gouvernement.
Au début du 18e siècle, Le Vigan est doté non pas d’une, mais de trois églises qui fonctionnent simultanément :
- Tout d’abord, l'église primitive, la plus ancienne, Saint-Jean des Carbonières, déjà citée et située à proximité du château, au sommet du Mont Saint-Jean.
- Ensuite, l'église Saint-Gall, à l'emplacement de l'épicerie d’aujourd’hui : c'est l'église paroissiale, permettant aux fidèles d’assister à la messe. Elle tombe en ruines à la fin du 18e siècle et Napoléon autorise la municipalité du Vigan à aliéner cette église en 1809. Elle sera détruite et les pierres vendues afin de financer les réparations de l'église actuelle et du presbytère. De récentes recherches révèlent qu’un évêque de Gourdon qui vivait au 5e s, Rurice de Limoges, dit Saint Ruricius, né vers 440, est devenu évêque de Limoges. Les originaux de ses lettres sont aujourd’hui conservés dans l’une des bibliothèques médiévales les plus importantes du monde, qui se trouve en Suisse alémanique, au sein de l‘Abbaye St Gall.
- Enfin, l'église actuelle. D’abord réservée aux chanoines, et de ce fait, non accessible aux villageois, elle devient paroissiale et ouverte à tous à la Révolution.
Révélatrice de la diffusion de l'art gothique dans le Midi de la France à la fin du 13e siècle, l’ancienne collégiale du Vigan adopte un parti architectural audacieux avec son chevet à triple abside. Avec l’arrivée des chanoines de Saint-Sernin de Toulouse et les largesses de nombreux bienfaiteurs, la collégiale du Vigan se dota à la fin du 11e siècle d’une nouvelle église dont on ne connaît seulement que quelques chapiteaux romans décorés d’entrelacs et découverts au cours de fouilles archéologiques dans les années 1950. Les religieux augustins furent par la suite placés sous l’autorité de l’archevêque de Bourges jusqu’au début du 14e siècle et auquel succéda l’évêque du diocèse de Cahors, Raymond de Pauchel, qui fit construire le massif occidental de l’église. L’église, devenue paroissiale au moment de la Révolution sous le vocable Notre-Dame de l’Assomption, est le seul témoin de l’enclos monastique dont les bâtiments, d’abord vendus comme bien national, furent ensuite rasés. Il s'agit donc d'un édifice gothique élevé au cours du dernier quart du 13e siècle, avec un chevet à trois absides et un faux transept cantonné de deux chapelles latérales polygonales. La nef, unique et large dans la tradition méridionale, est précédée à l’ouest d’un imposant massif édifié au 14e siècle dont l’austère façade est pourvue d’un portail orné de chapiteaux sculptés en forme de feuillages.